Pourquoi les orques attaquent les bateaux : Le mystère de 673 interactions enfin résolu en 2024
Depuis l’été 2020, un phénomène fascinant et inquiétant agite les eaux du détroit de Gibraltar jusqu’aux côtes bretonnes.
Des orques, ces prédateurs marins aussi intelligents qu’impressionnants, interagissent de manière répétée avec les bateaux.
En 2024, après 673 cas documentés, les scientifiques commencent enfin à percer le mystère de ce comportement inédit.
Ces interactions, souvent qualifiées à tort « d’attaques », soulèvent des questions cruciales sur notre cohabitation avec ces mammifères marins. Entre jeu et possible vengeance, les hypothèses se sont multipliées au fil des années.
Aujourd’hui, les dernières études scientifiques nous permettent d’y voir plus clair sur ce phénomène qui passionne autant qu’il intrigue.
D’un cas isolé à un phénomène massif : La chronique des « attaques » d’orques
Tout commence à l’été 2020 en Galice, au nord-ouest de l’Espagne.
Trois jeunes orques surprennent la communauté nautique en interagissant de manière inhabituelle avec plusieurs navires. Le cas du « Beautiful Dreamer » marque les esprits : son capitaine rapporte pas moins de quinze impacts consécutifs sur la coque.
Ce qui semblait alors être un événement isolé s’est rapidement transformé en phénomène régulier.
Les chiffres sont éloquents. En à peine quatre ans, nous sommes passés d’une quarantaine d’interactions recensées à 673 cas documentés en 2024.
Le groupe de travail sur les orques de l’Atlantique (GTOA) et Orca Iberica, créés spécifiquement pour étudier ce phénomène, documentent en moyenne une douzaine d’interactions mensuelles rien que dans le détroit de Gibraltar.
Parmi les cas les plus marquants, le naufrage du 1er novembre 2022 au large du Portugal illustre l’intensité potentielle de ces rencontres.
Après 45 minutes d’interactions soutenues, un voilier de 12 mètres a fini par sombrer, son équipage heureusement secouru sain et sauf.
Plus récemment, en avril 2023, un incident particulièrement révélateur s’est produit : des orques ont méthodiquement ciblé et détruit les gouvernails d’un catamaran, démontrant une précision chirurgicale dans leurs actions.
La zone d’activité de ces orques s’est progressivement étendue. Initialement cantonnées au détroit de Gibraltar, leurs interactions sont désormais signalées jusqu’en Bretagne, en passant par le Golfe de Gascogne.
Cette expansion géographique suit leur route migratoire naturelle, liée notamment à la présence du thon rouge, leur proie favorite.
La vérité scientifique derrière le phénomène
Au cœur de ce mystère marin se trouve WhiteGladis, une orque femelle adulte qui semble orchestrer une grande partie des interactions.
Cette matriarche, identifiée grâce à une cicatrice résultant d’une collision antérieure avec un bateau, joue un rôle central dans l’apprentissage de ce comportement par les plus jeunes.
Les données scientifiques révèlent un fait marquant : sur les 40 orques qui fréquentent régulièrement le détroit de Gibraltar, seuls 15 individus, principalement des adolescents, participent activement à ces interactions.
Cette spécificité démographique intrigue les chercheurs.
Le comportementaliste Pierre Robert de Latour, fort de plus de 6 000 plongées aux côtés des orques, souligne l’importance de la transmission culturelle chez ces cétacés.
La fixation des orques sur les gouvernails constitue l’aspect le plus intrigant du phénomène.
Les images sous-marines captées en juin 2024 par l’équipage du Walrus, navire de Sea Shepherd France, montrent des interactions précises et méthodiques.
Durant 45 minutes, une quinzaine d’orques ont manifesté un intérêt particulier pour le safran du bateau, sans jamais démontrer d’agressivité envers l’équipage.
En 2024, 90% des experts s’accordent sur une théorie principale : celle du jeu qui aurait dérapé.
Christophe Guinet, biologiste et directeur de recherche au CNRS, a confirmé cette hypothèse en analysant des vidéos montrant clairement le plaisir que prennent les orques à manipuler les gouvernails.
Jeu ou vengeance ? Les DIFFERENTES théories qui s’affrontent
L’augmentation des populations de harengs dans la région pourrait expliquer en partie ce phénomène. Avec une alimentation plus accessible, les orques disposeraient de plus de temps pour explorer et interagir avec leur environnement.
Cette hypothèse s’appuie sur des observations comportementales similaires chez d’autres populations d’orques bien nourries.
La théorie du traumatisme, centrée sur WhiteGladis, reste débattue.
Si sa blessure passée pourrait expliquer une forme d’apprentissage négatif, les spécialistes comme Aurélien Guay, guide naturaliste pour Découverte du Vivant, rappellent que les orques entretiennent historiquement des relations plutôt positives avec les bateaux de pêche, qui facilitent parfois leur accès aux thons.
La question de la résonance des bateaux émerge comme une piste sérieuse.
Didier Fioramonti, photographe naturaliste de la Réserve Naturelle Marine de Cerbère Banyuls, suggère que les vibrations émises par les safrans pourraient perturber les systèmes de communication sophistiqués des orques.
En effet, ces mammifères marins utilisent l’écholocation et possèdent des « langues régionales » distinctes entre groupes.
Un fait reste incontestable et rassurant : en milieu naturel, aucune attaque d’orque sur l’homme n’a jamais été documentée.
Les seuls incidents impliquant des humains se sont produits en captivité, comme l’a tristement illustré le documentaire Blackfish.
Cette statistique contraste fortement avec leur capacité physique réelle : capables de briser la banquise et de chasser des baleines en groupe, ces prédateurs de 4 à 6 tonnes pourraient facilement détruire une embarcation s’ils le souhaitaient.
Survivre à une rencontre avec les orques en 2024
Face à l’augmentation des interactions, un protocole d’urgence en 6 étapes a été validé par la communauté scientifique :
– Couper immédiatement le moteur
– Baisser toutes les voiles
– Désactiver le pilote automatique
– Contacter les autorités maritimes
– Rester visible mais ne pas tenter d’interaction
– Documenter la rencontre pour les chercheurs
Les autorités espagnoles ont récemment mis en place des zones d’exclusion temporaire, notamment dans le détroit de Gibraltar pendant les périodes de forte activité des orques.
Ces restrictions visent à protéger tant les navigateurs que les cétacés.
Les équipements de protection se développent également.
Des renforts de safran en acier et des systèmes de protection du gouvernail sont désormais recommandés pour les traversées dans les zones à risque.
Cependant, ces modifications doivent être réalisées par des professionnels pour ne pas compromettre la manœuvrabilité du navire.
Trois erreurs majeures sont à éviter absolument lors d’une rencontre :
– Tenter de repousser les orques (des incidents graves comme les tirs d’armes à feu d’août 2023 près de Tarifa ont conduit à des poursuites judiciaires)
– Maintenir sa vitesse de navigation
– Paniquer et abandonner le navire prématurément
Les interactions orques-bateaux nous rappellent que nous partageons l’océan avec des êtres intelligents et complexes.
Alors que ce phénomène continue d’évoluer, la clé réside dans notre capacité à adapter notre comportement tout en respectant ces fascinants prédateurs marins.