Les orques, en tant que prédateurs marins emblématiques, font désormais l’objet d’une surveillance high-tech qui révolutionne leur étude.
Avec plus de 50 000 individus répartis dans tous les océans du monde, comprendre leurs comportements est devenu crucial.
Des balises satellitaires aux drones, en passant par l’analyse génétique, explorons ces nouvelles technologies qui percent les mystères des orques, veritables géants des mers.
LA TÉLÉMÉTRIE SATELLITAIRE
La télémétrie satellitaire révolutionne notre compréhension des déplacements des orques. Cette technologie de pointe permet aux chercheurs de suivre ces cétacés fascinants avec une précision inégalée.
Les scientifiques utilisent désormais des balises miniaturisées, pesant moins de 50 grammes, pour minimiser l’impact sur les orques.
Ces dispositifs sont fixés à l’aide de ventouses spéciales ou de petits dards biodégradables, garantissant une méthode non invasive et respectueuse du bien-être animal.
La durée d’attachement varie de quelques jours à plusieurs mois, offrant des données précieuses sur les déplacements à long terme.
Les balises collectent une multitude de données :
• Localisation GPS précise toutes les 5 à 15 minutes
• Profils de plongée détaillés (profondeur, durée)
• Températures de l’eau à différentes profondeurs
Ces informations permettent de cartographier les routes migratoires, d’identifier les zones d’alimentation cruciales et de mieux comprendre l’utilisation de l’habitat par les orques.
Or, le coût élevé des balises (environ 5 000 € par unité) et la durée de vie limitée des batteries (3 à 6 mois en moyenne) constituent des freins à une utilisation à très grande échelle.
L’ IDENTIFICATION PHOTO ET LA RECONNAISSANCE INDIVIDUELLE
La photo-identification reste une méthode incontournable, désormais boostée par l’intelligence artificielle (IA).
Des algorithmes de deep learning analysent les photos de nageoires dorsales avec une précision stupéfiante.
Cette technologie accélère considérablement le processus d’identification, autrefois fastidieux.
Les chercheurs maintiennent des bases de données exhaustives, véritables « trombinoscopes » des populations d’orques. Le catalogue des orques résidentes du sud, par exemple, contient plus de 30 000 clichés couvrant 50 ans d’observations.
Ces archives permettent de suivre l’évolution démographique et la structure sociale des groupes sur plusieurs générations.
Les citoyens jouent un rôle croissant dans la collecte de données. L’application mobile « OrcaSpot », lancée en 2022, a déjà permis de récolter plus de 15 000 photos d’orques prises par des plaisanciers et des passionnés.
Cette approche collaborative enrichit considérablement les données disponibles pour les scientifiques.
LES ANALYSES GÉNÉTIQUES ET ÉCHANTILLONNAGE NON INVASIF
Les techniques d’analyse génétique ouvrent de nouvelles perspectives pour l’étude des populations d’orques.
La collecte d’ADN environnemental (eDNA) dans l’eau de mer permet de détecter la présence récente d’orques dans une zone, même sans observation directe.
Une étude menée en mer de Norvège a réussi à identifier la présence d’orques dans 87% des échantillons d’eau prélevés, offrant une nouvelle méthode pour cartographier leur distribution.
L’analyse de marqueurs génétiques spécifiques permet d’étudier la diversité génétique au sein des populations et entre elles.
Ces données sont cruciales pour évaluer la viabilité à long terme des groupes d’orques et orienter les efforts de conservation.
Les chercheurs ont ainsi pu établir que certaines populations d’orques de Méditerranée présentent une diversité génétique préoccupante, avec un taux de consanguinité élevé.
L’utilisation de drones pour collecter les « souffles » des orques représente une avancée majeure. Ces échantillons contiennent des cellules épithéliales riches en ADN, mais aussi des bactéries et des virus.
Une équipe franco-canadienne a récemment réussi à collecter plus de 100 échantillons de souffle d’orques du Saint-Laurent, ouvrant la voie à une meilleure compréhension de la santé de cette population menacée.
ACOUSTIQUE PASSIVE ET SURVEILLANCE AUDITIVE
L’acoustique passive s’impose comme une méthode non invasive et extrêmement efficace pour étudier les orques dans leur habitat naturel. Cette technique exploite la nature vocale de ces cétacés, offrant des perspectives uniques sur leur comportement et leur écologie.
Le déploiement stratégique de réseaux d’hydrophones transforme littéralement nos océans en vastes systèmes d’écoute.
Ces dispositifs sous-marins, capables d’enregistrer en continu, permettent de suivre les mouvements des pods d’orques avec une précision remarquable.
Un projet pionnier en mer de Norvège a récemment cartographié les déplacements de trois pods sur plus de 500 km, révélant des corridors de migration jusqu’alors inconnus.
• Autonomie : jusqu’à 12 mois d’enregistrement continu
• Portée de détection : jusqu’à 30 km pour les vocalisations d’orques
• Coût moyen par unité : environ 8 000 €
Chaque pod, et même chaque individu au sein d’un pod, possède un répertoire vocal unique. Cette signature acoustique, comparable à une empreinte digitale sonore, permet aux chercheurs d’identifier et de suivre des orques spécifiques sans même les voir.
Les dialectes des pods évoluent au fil du temps, reflétant les dynamiques sociales et l’apprentissage culturel au sein des groupes. L’analyse de ces changements offre une fenêtre fascinante sur la complexité de la communication des orques.
L’acoustique passive révèle également comment les orques adaptent leur comportement vocal face aux pressions environnementales croissantes.
Le bruit sous-marin d’origine humaine, en particulier, a un impact significatif :
• Augmentation de l’amplitude des vocalisations en présence de bruit
• Modification des fréquences utilisées pour éviter les interférences
• Réduction des vocalisations dans les zones à fort trafic maritime
Une étude récente dans le détroit de Gibraltar a montré que les orques augmentaient l’intensité de leurs appels de 10 à 15 dB en présence de navires, un phénomène appelé « effet Lombard ».
Cette adaptation comportementale souligne la nécessité de réduire la pollution sonore dans les habitats critiques des orques.
L’ IMAGERIE AÉRIENNE ET DRONES
L’avènement des drones révolutionne la manière dont les scientifiques observent et étudient les populations d’orques. Cette technologie offre une perspective aérienne inédite, permettant des observations détaillées et non invasives.
Les drones équipés de caméras haute résolution sont devenus des outils indispensables pour le comptage et l’évaluation de la santé des orques. Leur capacité à survoler silencieusement les pods sans les perturber offre des opportunités d’observation uniques.
• Altitude de vol optimale : 30-50 mètres
• Autonomie moyenne : 25-30 minutes
• Résolution des images : jusqu’à 4K (3840 x 2160 pixels)
La photogrammétrie par drone permet de mesurer avec précision la taille et l’état corporel des orques. Cette technique non invasive fournit des données cruciales sur la santé et la condition physique des individus :
• Longueur totale : précision de ±5 cm
• Largeur corporelle : indicateur de l’état nutritionnel
• Détection de grossesses : observation de l’élargissement du corps
Une étude menée sur les orques résidentes du sud a révélé que 69% des femelles en âge de se reproduire présentaient des signes de malnutrition, une information alarmante pour cette population en danger.
Les drones à longue portée permettent de cartographier les mouvements des pods et leurs habitats sur de vastes zones. Cette approche offre une vision globale de l’utilisation de l’espace par les orques, essentielle pour la gestion et la conservation de l’espèce.
• Couverture : jusqu’à 100 km² par vol
• Résolution des cartes : 5-10 cm/pixel
• Données collectées : distribution des proies, température de l’eau, pollution visible
L’imagerie par drone, couplée à l’intelligence artificielle pour l’analyse des données, ouvre de nouvelles perspectives pour comprendre et protéger ces prédateurs marins emblématiques.
Mais, l’utilisation responsable de cette technologie reste primordiale pour minimiser le dérangement potentiel des animaux étudiés.