Des baleines à bosse parcourent 5 000 km en jeûnant pour allaiter leurs petits

Chaque hiver, des femelles baleines à bosse traversent le Pacifique pour mettre bas dans les eaux chaudes d’Hawaï. Mais derrière cette migration majestueuse, une réalité méconnue se joue : ces mères allaitantes jeûnent pendant des semaines, sacrifiant une part énorme de leur énergie pour la survie de leur petit. Une étude récente révèle à quel point cette période est critique — et pourquoi elle inquiète aujourd’hui les chercheurs.

D’après les données de l’Université d’Hawaï à Mānoa, relayées par ScienceDaily (source : https://www.sciencedaily.com/releases/2024/12/241217201533.htm), le suivi par drones de plus de 1 600 baleines a permis de mieux comprendre les défis physiologiques immenses que rencontrent les mères et leurs petits.

Ce travail, mené en partenariat avec la Pacific Whale Foundation et d’autres organismes, révèle une facette bouleversante de la maternité chez ces géantes des mers.

Une perte de poids hallucinante chez les mères

Les mères perdent jusqu’à 20 % de leur volume corporel

Les femelles qui allaitent leurs petits à Hawaï peuvent perdre jusqu’à 214 kg de graisse par jour. En seulement deux mois, elles fondent littéralement : près de 20 % de leur masse corporelle s’envole, soit l’équivalent de 50 tonnes de krill ou 25 tonnes de hareng du Pacifique consommées par leur petit. Pendant ce temps, elles ne s’alimentent pas du tout.

Les petits prennent 400 % de volume en quelques semaines

À l’inverse, les baleineaux grossissent à une vitesse impressionnante : leur volume corporel augmente de près de 400 % et leur taille de 60 % en moyenne durant les premières semaines de vie. Toute cette croissance repose exclusivement sur le lait maternel, extrêmement riche en lipides.

Une dépense énergétique supérieure à la grossesse

Fait remarquable : l’allaitement chez la baleine à bosse consomme plus d’énergie que toute la durée de la grossesse. En six mois, les scientifiques ont mesuré une chute de 17 % du volume corporel chez les mères, un chiffre jamais observé auparavant sur une aussi longue migration.

🧠 À retenir
Les baleines à bosse perdent jusqu’à 214 kg de graisse par jour pour allaiter, soit l’équivalent énergétique de plusieurs tonnes de poissons. Cette phase, bien plus exigeante que la gestation, les rend extrêmement vulnérables aux perturbations humaines ou écologiques.

Une comparaison entre Hawaï et l’Alaska édifiante

Des mères surveillées à 3 000 km d’intervalle

Les chercheurs ont suivi certaines baleines à la fois en Hawaï et en Alaska, sur une distance de plus de 3 000 kilomètres. 405 mesures répétées ont été prises sur 137 femelles allaitantes, un exploit logistique et scientifique qui permet une analyse fine des changements corporels tout au long de la migration.

Une prise de poids inégale selon le statut reproductif

En Alaska, les femelles allaitantes gagnent à peine 14 kg par jour, soit deux à six fois moins que les femelles gestantes ou non-reproductrices. Cela confirme qu’elles peinent à reconstituer leurs réserves, ce qui pourrait expliquer les fortes baisses de reproduction observées ces dernières années.

L’impact du réchauffement et de la pénurie de nourriture

En 2018, un effondrement total de la reproduction a été observé dans l’aire d’alimentation en Alaska. Entre 2014 et 2019, la survie des baleineaux a chuté par dix. En cause : la canicule marine la plus longue jamais enregistrée, qui a bouleversé les réseaux alimentaires dans tout le Pacifique Nord.

Un cri d’alerte pour la survie des espèces

Des taux de naissance en chute libre à Hawaï

Les scientifiques ont noté une baisse de 76 % des rencontres mères-baleineaux à Hawaï entre 2013 et 2018. De 2015 à 2016, les naissances y ont chuté de 80 %. Ces chiffres révèlent un effondrement silencieux d’une population autrefois florissante, au cœur d’une région pourtant protégée.

Une base de données unique pour mieux comprendre

Avec plus de 11 000 mesures réalisées sur 8 500 baleines différentes, les chercheurs du MMRP disposent aujourd’hui d’un outil inédit pour comprendre les effets du stress, de la nutrition et des perturbations humaines sur les baleines à bosse. Ces données, croisées avec des échantillons hormonaux ou comportementaux, ouvrent la voie à des prédictions plus fines sur leur avenir.

Une coopération internationale essentielle

La réussite de cette étude repose sur la collaboration de plusieurs fondations et universités. « Ce projet montre que seule la coopération permet de suivre des individus sur des milliers de kilomètres », souligne Jens Currie, co-auteur de l’étude. À l’heure où les baleines subissent les conséquences du changement climatique, des collisions avec les navires et des enchevêtrements, cette union des compétences devient cruciale.

Les enjeux pour l’avenir

  • Préserver les zones de reproduction comme Hawaï, véritables sanctuaires vitaux pour les naissances.
  • Limiter les nuisances sonores et le trafic maritime pendant les périodes de mise bas et d’allaitement.
  • Surveiller les stocks alimentaires en Alaska et dans l’ensemble du Pacifique Nord.
  • Soutenir la recherche internationale et le partage de données sur les cétacés.

Les baleines à bosse sont bien plus que des symboles de l’océan. Leur survie dépend aujourd’hui de notre capacité à comprendre les liens profonds entre reproduction, alimentation et climat — et à agir à temps.

✍️ Cet article a été rédigé par Marine L. (Journaliste marine & amoureuse des océans)

Marine documente la vie des orques depuis 12 ans entre Norvège et Canada. Fidèle à son prénom, elle connaît par cœur les saisons de hareng, les codes vocaux des différents pods, et les questions qu’on lui pose toujours

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