Ce couple de prédateurs marins a transformé toute une population de requins en fuyards

Les grands requins blancs ont longtemps régné en maîtres sur les côtes sud-africaines. Prédateurs redoutés, ils incarnaient la puissance redoutable de l’océan.

Mais depuis quelques années, un étrange silence règne dans les eaux de Gansbaai. Deux orques, surnommées Port et Starboard, ont installé la peur parmi l’élite des carnassiers. Et ce choc a bouleversé tout l’écosystème local.

Quand les grands requins blancs prennent la fuite

Dans l’imaginaire collectif, le grand requin blanc est considéré comme l’apex predator ultime. Pourtant, même ce géant impressionnant n’est pas à l’abri d’un prédateur plus rusé. Depuis 2017, les scientifiques observent un phénomène déconcertant au large de Gansbaai, en Afrique du Sud : les requins blancs désertent une zone qui était auparavant leur fief.

Les premiers soupçons se portaient sur l’activité humaine : surpêche, pollution sonore ou dégradation des habitats. Mais une enquête plus poussée, menée par la biologiste marine Alison Towner et son équipe, a révélé une vérité surprenante : deux orques mâles sont à l’origine de cette migration forcée. Ces mammifères marins ne se contentent pas d’effrayer les squales : ils les tuent méthodiquement, prélèvent leur foie – riche en nutriments – et laissent les carcasses dériver vers les plages.

Ces attaques sont loin d’être anecdotiques. Plusieurs cadavres de grands blancs ont été retrouvés éventrés, leur corps orphelin de ses organes vitaux. La technique est toujours la même, clinique et rapide. Les traces concordent : Port et Starboard sont devenus les cauchemars des grands blancs.

Une stratégie d’évitement inédite chez les requins

Le comportement des requins blancs face à cette menace est saisissant. À chaque apparition des deux orques, ils abandonnent quasi instantanément leur territoire, parfois pour des mois. Ces fuites ne sont pas qu’instinctives : elles relèvent d’une véritable stratégie d’évitement. Un comportement rarement observé chez les superprédateurs marins.

Le phénomène a été confirmé par l’analyse des données GPS de 14 grands requins suivis entre 2015 et 2022. Dès qu’un orque était détecté dans la zone, les requins prenaient le large. Le plus frappant : leur absence prolongée dans des baies historiquement riches en proies, comme cela n’avait jamais été enregistré auparavant.

Autrement dit, la simple présence des orques suffit à désorganiser l’ordre établi. C’est une cascade écologique provoquée par une poignée d’individus, capables de redéfinir les équilibres entre espèces marines. Comme le notent les chercheurs, c’est “un changement de grande échelle, à l’image de la réaction des chiens sauvages face aux lions en Tanzanie”.

🧠 À retenir – Les orques Port et Starboard ne se contentent pas de tuer les requins blancs : par leur présence récurrente, ils provoquent une désertion durable de territoires clés. Cette pression constante impose un nouveau paradigme aux écosystèmes marins locaux.

Des déséquilibres écologiques en chaîne

L’absence des requins blancs n’est pas neutre. Elle ouvre la voie à d’autres espèces, comme les requins cuivre, pour occuper les niches vacantes. Ces derniers, habituellement prédatés par les grands blancs, se retrouvent désormais exposés aux orques eux-mêmes, qui élargissent leur menu en l’absence de leur gibier préféré.

Mais ce déséquilibre a d’autres effets inattendus. Les phoques, par exemple, nagent plus librement sans la menace du grand blanc. Cela peut entraîner une prédation accrue sur les manchots africains, une espèce déjà menacée, ou une compétition plus féroce avec d’autres espèces pour les poissons pélagiques.

Dans cette dynamique, chaque modification résonne à travers la chaîne alimentaire. Le retrait d’un superprédateur déstabilise tout un écosystème, du sommet jusqu’aux algues qui nourrissent les petits crustacés.

Autre souci : l’exploitation humaine des ressources, comme le braconnage de l’ormeau ou la disparition des forêts de kelp, accentue ces déséquilibres. Et dans ce contexte fragile, l’élargissement des comportements opportunistes comme ceux de Port et Starboard pourrait devenir un facteur critique à surveiller.

Les grands requins blancs face à une nouvelle ère

Ce qui rend ce phénomène encore plus inquiétant, c’est qu’il survient dans un contexte global de déclin des populations de requins blancs. L’espèce est classée vulnérable, notamment à cause de sa lente croissance, de sa maturité tardive et d’un faible taux de reproduction.

Mais l’intelligence tactique observée chez certaines orques inquiète les chercheurs. Des pods d’autres régions, comme dans le golfe de Californie, ont développé des techniques pour chasser même des requins-baleines, les plus gros poissons du monde. Cette spécialisation pourrait annoncer la naissance de “cultures de chasse” orques orientées vers les grands requins, avec un impact à l’échelle planétaire.

Pour Alison Towner, seule une surveillance renforcée – utilisant les données des pêcheurs, des opérateurs touristiques, et du public – permettra d’évaluer l’ampleur du phénomène. Car derrière chaque requin éliminé se dissimule un effet domino écologique, encore trop mal compris.

La disparition prolongée des grands blancs sur certaines côtes n’est peut-être que la première étape d’un réalignement beaucoup plus vaste dans la hiérarchie des océans.

📝 Cet article est inspiré de la publication originale :
Great White Sharks Were Scared From Their Habitat by Just 2 Predators

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