Des outils en os de baleine vieux de 20 000 ans bouleversent notre vision de la Préhistoire

Pendant des années, on a cru que les relations entre l’humain et la baleine étaient récentes, liées à la chasse industrielle ou aux cétacés échoués sur les plages. Et pourtant, une découverte archéologique majeure en Espagne vient de révéler une vérité bien plus ancienne, et inattendue : dès la fin de la dernière glaciation, nos ancêtres façonnaient déjà des outils dans les os de grandes baleines.

Un révélateur saisissant de leur ingéniosité, mais aussi un précieux miroir de l’écologie marine préhistorique. Une équipe de chercheurs européens lève le voile sur un pan méconnu de l’histoire humaine — et de celle des cétacés.

(Source : étude publiée dans Nature Communications par l’Université Autonome de Barcelone – lien : www.sciencedaily.com/releases/2025/05/250527124110.htm)

Des outils taillés dans des os de cétacés géants

Une découverte vieille de 20 000 ans

Au nord de l’Espagne, autour du golfe de Gascogne, les archéologues ont mis au jour plus de 170 ossements issus de baleines, dont 83 outils façonnés par l’homme.

Ces objets, retrouvés notamment dans la grotte de Santa Catalina, datent de 19 000 à 20 000 ans, soit à la toute fin du Paléolithique supérieur. Il s’agit des plus anciens outils en os de baleine jamais identifiés à ce jour en Europe.

Ces vestiges témoignent d’un usage sophistiqué des carcasses de grands cétacés, probablement récupérées après échouage ou chasse opportuniste. Une hypothèse renforcée par la fragilité des sites archéologiques côtiers, souvent effacés par la montée des eaux depuis l’ère glaciaire.

Cinq espèces de baleines identifiées

Grâce à une technique appelée ZooMS (spectrométrie de masse sur collagène), les chercheurs ont pu déterminer précisément les espèces à l’origine de ces os. Résultat : au moins cinq grandes espèces ont été utilisées, dont certaines encore présentes aujourd’hui dans l’Atlantique Nord :

  • Baleine bleue
  • Baleine à bec
  • Rorqual commun
  • Cachalot
  • Et même la baleine grise, aujourd’hui disparue de nos côtes et confinée au Pacifique

Ces données offrent un aperçu inédit de la biodiversité marine passée dans la région.

🧠 À retenir
Les plus anciens outils en os de baleine jamais découverts en Europe ont plus de 19 000 ans. Ils révèlent l’utilisation ingénieuse des carcasses de cétacés par des groupes humains paléolithiques du golfe de Gascogne.

Un éclairage nouveau sur la relation humain-baleine

Une ressource vitale pour les communautés côtières

Les baleines n’étaient pas seulement des géants des mers. Pour les sociétés côtières préhistoriques, elles représentaient une ressource précieuse : viande, graisse, tendons et os étaient utilisés pour se nourrir, se chauffer, se vêtir… et fabriquer des outils. Ce lien profond et utilitaire contredit l’image d’un rapport exclusivement symbolique ou mythique.

Cette approche rappelle, toutes proportions gardées, les populations inuit ou baleinières plus récentes, qui ont su exploiter avec respect toutes les parties de l’animal.

Une écologie marine transformée depuis la Préhistoire

En analysant la composition chimique des os, les scientifiques ont aussi repéré une différence dans le régime alimentaire de ces cétacés préhistoriques. Ils se nourrissaient probablement de proies ou dans des zones marines légèrement différentes de celles d’aujourd’hui.

Cela suggère une évolution notable des comportements migratoires ou des écosystèmes marins, liée aux changements climatiques post-glaciaires.

Une information capitale pour mieux comprendre l’impact à long terme des bouleversements environnementaux sur les grandes espèces marines.

La science au service des os fossiles

Le rôle clé de la spectrométrie de masse

Le ZooMS permet d’identifier une espèce à partir de protéines résiduelles, même sur des os sans morphologie caractéristique. C’est cette approche innovante qui a permis d’attribuer ces outils à des espèces spécifiques de baleines, jusque-là inidentifiables par simple observation.

La méthode pourrait révolutionner l’étude des artefacts en os retrouvés dans les grottes européennes, où les vestiges de cétacés sont souvent sous-estimés ou mal catégorisés.

Une collaboration scientifique internationale

L’étude a réuni des chercheurs du CNRS, de l’Université Autonome de Barcelone et de la University of British Columbia. Ce travail transdisciplinaire mêle archéologie, chimie, paléontologie marine et écologie historique. Il renforce l’idée que les grands cétacés ont toujours occupé une place importante — écologique mais aussi culturelle — dans la vie humaine.

Cette découverte marque une étape majeure dans la reconstruction du passé marin européen, et dans la compréhension des liens millénaires entre notre espèce et les maîtres des océans.

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