Dans les eaux troubles du fleuve Yangtsé vit un animal aussi rare qu’attachant : le marsouin aptère. Ce cétacé d’eau douce, menacé d’extinction, intrigue les scientifiques autant qu’il fascine les observateurs. Sa façon de donner naissance est méconnue, émouvante… et vitale à sa survie.
À l’heure où sa population fond comme glace au soleil, chaque mise bas devient un événement essentiel pour préserver cette espèce fragile. Plongée au cœur d’un moment intime et invisible : la naissance d’un petit marsouin dans les profondeurs du fleuve chinois.
Une gestation discrète dans les eaux calmes du Yangtsé
Les marsouins aptères du fleuve Yangtsé s’accouplent la plupart du temps entre les mois de mai et juin. La gestation dure ensuite près d’un an, entre 10 et 11 mois. Comme chez de nombreux cétacés, les naissances se déroulent entièrement sous l’eau, dans des zones tranquilles et peu profondes.
La femelle cherche alors des recoins paisibles loin des moteurs des bateaux ou des nuisances humaines. Lors de cet accouchement aquatique, qui peut durer plusieurs heures, elle devient plus discrète, parfois même solitaire. Cette stratégie permet de réduire les risques pour le nouveau-né et sa mère dans un environnement déjà très perturbé.
En raison de ces conditions particulières, la naissance reste un phénomène rare à observer, rendant chaque document filmé ou vu en captivité extrêmement précieux pour la compréhension de l’espèce.
Les premières heures cruciales d’un bébé marsouin
À la naissance, le petit marsouin mesure à peine 60 à 70 cm. Il ne sait ni flotter correctement ni respirer seul durablement. Sa survie dépend entièrement de sa mère. Celle-ci l’aide rapidement à remonter à la surface pour prendre sa première respiration. Ce moment fragile est un ballet d’instincts, où la mère pousse doucement son petit avec son rostre pour l’aider à rester en surface.
Dans un cas observé dans une réserve protégée de Chine, un bébé marsouin est né dans un enclos flottant. Il était désorienté, avait du mal à se stabiliser dans l’eau. Grâce aux attentions immédiates de sa mère, il a appris à bouger, à suivre ses mouvements, à respirer.
Durant les premiers jours, le lien mère-petit est indissociable. Le petit suit chaque déplacement, apprend les codes sonores, la navigation en eaux troubles. Cette proximité intense conditionne son bon développement social, moteur et cognitif.
🧠 À retenir – Le rôle maternel chez le marsouin du Yangtsé est vital : sans aide pour respirer, nager ou apprendre, le nouveau-né ne survivrait pas. Chaque naissance réussie est un combat gagné contre l’extinction.
De l’allaitement aux premières proies : le chemin vers l’autonomie
La période d’allaitement dure de cinq à six mois. Durant cette phase, le petit consomme uniquement le lait maternel, riche en graisses et nutriments essentiels. Ce lait permet au jeune marsouin de développer rapidement une couche de graisse protectrice (ou « lard ») qui lui assure flottabilité et isolation thermique.
Passé ce cap critique, le jeune commence à s’intéresser aux petits poissons. Il tente quelques essais de chasse, souvent infructueux, mais observe et imite beaucoup sa mère. Cette transition entre lait et alimentation solide est progressive et fondamentale pour son développement.
Vers un an environ, les petits sont entièrement sevrés. Ils mesurent alors autour d’un mètre. Toutefois, ils restent fréquemment proches de leur mère pendant plusieurs mois. Ce compagnonnage facilite l’apprentissage social et la maîtrise des techniques de chasse.
Cette lente autonomisation permet d’augmenter significativement leurs chances de survie dans un habitat de plus en plus menacé.
Une espèce au bord du précipice
Le marsouin du Yangtsé est aujourd’hui classé en danger critique d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Sa population est estimée entre seulement 1 000 et 1 800 individus.
Les principales menaces sont nombreuses :
- La pollution des eaux due à l’activité industrielle et agricole
- Les constructions de barrages, qui fragmentent leur habitat
- Le trafic fluvial intense générant du bruit et du stress
- Les risques d’enchevêtrement dans des filets de pêche
- La raréfaction de leurs proies à cause de la surpêche
Dans un contexte aussi hostile, chaque naissance devient un espoir. Protéger les femelles gestantes, offrir des zones de mise bas sécurisées et garantir une eau de qualité sont des conditions indispensables à la survie de l’espèce.
Des réserves naturelles en Chine — comme celle du lac en anse de Tian-E-Zhou — participent activement à cette mission. Certaines ont même assisté récemment à des naissances réussies, signe que l’espoir est encore permis si nous agissons.
📝 Cet article est inspiré de la publication originale :
How Do Porpoises Give Birth?