Les jeunes dauphins ne se contentent pas de boire le lait de leur mère : ils goûtent littéralement la richesse en graisses. Une découverte récente bouleverse notre vision du lien mère-jeune chez les cétacés. Ces mammifères marins, privés d’odorat fonctionnel dans l’eau, possèdent en réalité un sens du goût spécialisé pour détecter les acides gras du lait maternel.
Ce mécanisme, récemment mis en lumière par des chercheurs japonais, pourrait expliquer comment les delphineaux évaluent la qualité du lait et, plus tard, choisissent leurs proies les plus nutritives. Une plongée fascinante dans l’intimité sensorielle des dauphins.
Un goût pour le gras dès la naissance
Une langue pas comme les autres
Chez les jeunes dauphins à gros nez (ou grands dauphins), la langue joue un rôle sensoriel bien plus complexe qu’on ne le pensait. Une équipe de l’université d’Hokkaido, au Japon, a identifié une rangée en forme de V de récepteurs gustatifs à l’arrière de la langue. Ces structures, spécialisées, détectent avec précision les acides gras contenus dans le lait maternel.
Ces récepteurs ne se contentent pas de signaler la présence de graisse : ils possèdent aussi des enzymes capables de la décomposer, facilitant ainsi sa détection. Un double mécanisme ingénieux, probablement évolué pour maximiser l’assimilation d’énergie chez ces jeunes mammifères.
Pourquoi le gras est vital chez les dauphins
Le lait de dauphin est particulièrement riche en lipides, essentiels à la fois pour l’énergie et le développement du cerveau. Dans les premières semaines de vie, ce lait est l’unique source de nutrition pour le petit. Pouvoir en détecter la richesse pourrait permettre aux jeunes de discerner le lait le plus nutritif, un avantage crucial dans des environnements marins où la compétition est féroce.
🧠 À retenir
Les jeunes dauphins ne détectent pas simplement le goût : leur langue est équipée pour reconnaître les graisses, les analyser, et probablement guider leur consommation vers le lait le plus riche, garant de leur survie.
Des tests étonnants pour comprendre leur préférence
Une étrange préférence pour l’inconnu
Lors d’une expérience, des jeunes dauphins ont eu à choisir entre du lait de femelles et une solution blanche opaque. Contre toute attente, ils ont préféré la seconde. Une réaction étonnante qui pourrait s’expliquer par la néophobie : la peur de la nouveauté. Le lait proposé provenait de deux femelles différentes, ce qui aurait pu créer une sensation inhabituelle et donc un rejet instinctif.
Une piste sensorielle nouvelle chez les cétacés
Ce comportement ouvre des pistes sur la manière dont les dauphins perçoivent leur environnement. Ne pouvant compter sur l’odorat – quasi inexistant chez eux – ils s’appuieraient davantage sur le goût et la texture pour évaluer les aliments, y compris dès le plus jeune âge. Une capacité sensorielle qui pourrait même s’étendre à la sélection des proies adultes, selon leur teneur en gras.
🧠 À retenir
La réaction des jeunes dauphins à des liquides inconnus montre que leur système gustatif est non seulement actif, mais précautionneux, influencé par la familiarité des saveurs et textures, comme chez de nombreux mammifères terrestres.
Une adaptation sensorielle méconnue mais cruciale
Le goût comme outil de survie
Chez les mammifères marins, le goût est souvent considéré comme un sens secondaire. Cette étude remet en cause cette idée. En détectant les acides gras, les dauphins peuvent potentiellement sélectionner des aliments à haute valeur énergétique, ce qui s’avère déterminant dans des milieux où chaque repas compte.
Cela permettrait aussi aux jeunes de s’orienter vers la mère la plus nourrissante dans un groupe, renforçant l’idée d’un choix actif dans l’alimentation, dès la phase lactée.
Et chez les autres espèces marines ?
Cette découverte chez le dauphin pourrait être le premier indice d’un système plus large encore. D’autres cétacés, comme les bélugas ou les narvals, présentent eux aussi une forte dépendance au gras, notamment via des proies comme le calmar ou le poisson gras. Le goût du gras pourrait être un fil conducteur sensoriel bien plus répandu qu’on ne l’imaginait.
🧠 À retenir
Le goût du gras n’est pas un luxe chez les dauphins : c’est un outil de survie sophistiqué, peut-être partagé par d’autres cétacés, et crucial pour l’orientation alimentaire dès les premiers jours de vie.
Ce sujet vous intrigue ? Le reportage complet est disponible ici :
https://www.sciencedaily.com/releases/2025/01/250121210507.htm
✍️ Cet article a été rédigé par Thomas M. ( passionné de cétacés)

Thomas suit les orques depuis plus de 10 ans. Il connaît par cœur les différences entre un épaulard et un globicéphale, les migrations des pods du Pacifique Nord, et les questions qu’on lui pose toujours (« Mais… c’est vraiment des baleines ? »).