Les scientifiques pensaient tout savoir sur les baleines à bosse. Qu’elles naissaient dans les eaux chaudes, migraient vers le nord, suivaient un cycle établi. Et pourtant, une découverte récente vient tout bouleverser.
Des bébés baleines sont nés dans des zones froides, loin de leur berceau tropical habituel. Ces observations inattendues, rapportées par des chercheurs de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud et relayées par ScienceDaily (20 mai 2025), révèlent une réalité bien plus complexe.
Que font ces nouveau-nés dans les eaux du sud de l’Australie ou près de la Nouvelle-Zélande ? Et surtout, que risquent-ils en traversant les routes maritimes les plus fréquentées du monde ?
Des naissances loin des tropiques
Une remise en question des certitudes scientifiques
On pensait que les baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) naissaient exclusivement dans les eaux chaudes de la Grande Barrière de corail ou dans d’autres zones tropicales. Or, les dernières recherches menées entre 2016 et 2024 montrent des observations répétées de nouveau-nés bien plus au sud, jusqu’en Tasmanie, voire aux abords de la Nouvelle-Zélande.
Les données ont été recueillies grâce à une collaboration inédite entre scientifiques, observateurs de baleines, citoyens et agences gouvernementales. Plus de 200 signalements ont été enregistrés, et un fait marquant revient : les naissances ne sont plus limitées à une zone bien définie.
Des observations troublantes en zones urbaines
Jane McPhee-Frew, doctorante et capitaine de bateau à Newcastle, a observé son premier veau de baleine en 2023. « Il était minuscule, manifestement né depuis très peu. Et pourtant, il nageait dans une voie maritime très fréquentée », raconte-t-elle. Le port de Newcastle est le plus grand exportateur de charbon au monde. Imaginez la vulnérabilité d’un jeune cétacé au cœur de cette circulation.
L’étude révèle que ces naissances décalées ne sont probablement pas un phénomène nouveau, mais plutôt une prise de conscience récente, rendue possible grâce aux technologies modernes comme les drones et à l’essor du whale watching.
Une migration semée d’embûches
Ce qui inquiète les scientifiques, c’est le chemin périlleux que doivent parcourir ces jeunes baleines après la naissance. Leur route vers le nord, longue de plus de 2000 km, les expose à des dangers multiples : collision avec des bateaux, pollution, filets de pêche, ou encore perturbation sonore.
Des bébés baleines au cœur du trafic maritime
Des ports parmi les plus dangereux au monde
Les mères et leurs petits traversent certaines des zones maritimes les plus denses d’Australie, notamment autour de Sydney, de Melbourne et de Perth. Ces zones concentrent un trafic maritime intense, avec d’énormes cargos, des ferries, des bateaux de plaisance.
La chercheuse Tracey Rogers souligne : « Les veaux de baleine sont comme des chiots danois : ils ont de longues nageoires disproportionnées, ne nagent pas très bien, et passent leur temps à se reposer sur le dos de leur mère. »
Une vulnérabilité encore trop méconnue
Même si des lois protègent les baleines à bosse sur l’ensemble du territoire australien, la sensibilisation du grand public reste insuffisante. Kayakistes, plaisanciers, jets-skieurs : beaucoup ignorent qu’ils doivent rester à plus de 300 mètres d’une mère et son petit.
Adelaide Dedden, de la réserve naturelle du NSW, alerte : « Trop de gens pensent que ces rencontres sont anodines. Mais un veau effrayé peut se blesser, fuir sa mère ou être désorienté. »
🧠 À retenir
Des baleines à bosse naissent désormais bien plus au sud qu’on ne l’imaginait, au cœur de zones à fort trafic maritime. Leur vulnérabilité impose une vigilance accrue de la part des usagers de la mer.
Et si on avait toujours mal regardé les migrations ?
Des journaux de bord oubliés ressurgissent
Jane McPhee-Frew a exhumé des journaux de bord de la fin du XIXe siècle. À l’époque, des baleiniers mentionnaient déjà des observations de veaux au large de la Tasmanie. Mais à cause de la quasi-extinction des baleines dans les années 1960, ces comportements étaient passés inaperçus.
Aujourd’hui, avec environ 50 000 baleines à bosse recensées, ces comportements réapparaissent et interrogent : les baleines ont-elles toujours été plus flexibles qu’on ne le croyait ?
Vers une vision plus fluide de la migration
L’idée que les cétacés suivent un itinéraire rigide, entre deux points fixes, est remise en question. En réalité, les baleines semblent exploiter plusieurs écosystèmes successifs, selon les conditions, la sécurité, et peut-être même la mémoire collective de l’espèce.
Cela pourrait expliquer pourquoi certaines mères préfèrent accoucher plus au sud : eaux plus calmes, moins de prédateurs, température modérée… à condition qu’il y ait un minimum de tranquillité.
Le rôle crucial du grand public
L’engouement autour du whale watching et la montée en puissance de la science citoyenne ont permis de constituer une base de données précieuse. Les photos partagées sur Instagram ou Facebook, croisées avec les observations scientifiques, ont révélé des tendances ignorées jusqu’ici.
« On a construit une banque d’informations colossale grâce aux gens ordinaires », souligne McPhee-Frew.
Source : Université de Nouvelle-Galles du Sud, via ScienceDaily – Article original