Pendant des années, le littoral sri-lankais a abrité une population de baleines bleues unique au monde. Non migratrices, ces géantes résidaient toute l’année dans les eaux chaudes de l’océan Indien. Mais depuis 2018, les scientifiques tirent la sonnette d’alarme : elles se font rares, très rares. En 2024, seulement quatre ont été observées. Pourquoi une telle chute, alors que ces cétacés faisaient la fierté du pays et attiraient des milliers de touristes ?
Pollution, bruit des navires, réchauffement climatique : un cocktail détonant est en train de faire fuir ces géantes discrètes. Et si cette disparition n’était qu’un avant-goût d’un bouleversement océanique beaucoup plus vaste ?
Une population unique de baleines bleues au bord de l’effacement
Les baleines bleues du Sri Lanka, une exception mondiale
La baleine bleue du nord de l’océan Indien n’est pas une migratrice comme ses cousines des autres océans. Elle vit toute l’année au large du Sri Lanka, entre Galle et Dondra. Ces eaux profondes et riches en plancton permettent à cette espèce de se nourrir sans interruption.
Le biologiste Asha de Vos, spécialiste de ces cétacés, explique que ces baleines sont des « brouteuses, pas des gloutonnes » : elles se nourrissent constamment, contrairement aux autres espèces qui alternent jeûne et festin.
Elles possèdent même une vocalisation unique, une sorte de dialecte propre à cette population, preuve de son isolement génétique et culturel.
Des chiffres qui dégringolent
En 2015, les chercheurs estimaient à 729 le nombre d’observations annuelles, souvent les mêmes individus. En 2024 ? Seulement quatre baleines ont été vues… Un effondrement de plus de 90 % en moins de dix ans.
Des études acoustiques confirment cette chute : les hydrophones n’enregistrent plus leurs chants dans les zones où elles abondaient jadis.
Une industrie touristique florissante mais intrusive
Avec une telle concentration de cétacés, le whale-watching s’est rapidement imposé comme une attraction majeure à Mirissa ou Trincomalee. Près de 80 000 touristes y participent chaque année. Certaines agences garantissaient même une observation… ou une sortie gratuite en cas d’échec.
Mais cette fréquentation massive pourrait avoir un effet délétère sur la tranquillité des baleines.
🧠 À retenir
Les baleines bleues du Sri Lanka formaient une population unique, sédentaire, observable toute l’année. Leur disparition rapide alarme les scientifiques et menace un écosystème entier.
Des menaces multiples, un avenir incertain
Le trafic maritime : un danger sous-estimé
Le Sri Lanka se trouve sur l’une des routes commerciales les plus fréquentées au monde. Jusqu’à 50 000 navires la traversent chaque année, au milieu même des zones d’alimentation des cétacés.
Les collisions sont fréquentes : une étude de 2017 a révélé que la moitié des morts de baleines recensées dans les eaux sri-lankaises étaient dues à des chocs avec des cargos.
Mais ce facteur, bien que grave, n’explique pas à lui seul la chute brutale des effectifs en seulement quelques saisons.
Le tourisme intrusif : des plongeurs illégaux
Certaines agences proposent illégalement de nager avec les baleines bleues. Une activité interdite mais lucrative, qui provoque un stress intense chez ces géants marins.
Ces pratiques, difficiles à contrôler, s’ajoutent au bruit des moteurs et à l’agitation constante provoquée par les navires d’observation.
Catastrophe écologique : le naufrage du MV X-Press Pearl
En 2021, l’incendie et le naufrage d’un cargo chimique a déversé des tonnes de granulés plastiques toxiques dans l’océan. Une pollution majeure qui a ravagé les côtes sri-lankaises.
Si l’impact exact sur les baleines reste flou, les scientifiques notent que leur déclin avait commencé bien avant cette catastrophe, preuve que la crise est plus profonde.
Le coup fatal vient-il du climat ?
Une mer qui se réchauffe trop vite
Depuis 1950, la température de surface de l’océan Indien a augmenté de plus d’un degré Celsius. C’est l’une des hausses les plus rapides au monde. Et cela change tout.
La montée des températures modifie la circulation océanique, affecte les pluies de mousson et bouleverse les chaînes alimentaires marines.
Or les baleines bleues dépendent directement de la présence de plancton, qui, lui-même, dépend de la disponibilité en chlorophylle et en nutriments.
Quand la pluie change le sel
Lors de la saison 2011-2012, de fortes pluies avaient modifié la salinité des eaux, faisant chuter le niveau de plancton. Les baleines avaient alors déserté les côtes pendant un an, avant de revenir.
En 2024, les chercheurs soupçonnent une reconfiguration durable de ces conditions. Les baleines seraient tout simplement parties ailleurs, là où la nourriture est plus abondante.
Des géantes nomades en quête d’un nouveau refuge
Les scientifiques ont repéré des mouvements vers les Seychelles, autrefois un refuge historique avant la chasse industrielle. Mais sans analyses comparées des nageoires caudales, il est impossible de confirmer qu’il s’agit des mêmes individus.
Le biologiste Ranil Nanayakkara conclut avec une phrase pleine de justesse :
« Les baleines sont comme nous : elles vont là où il y a de la nourriture, et y reviennent quand tout va bien. »
🧠 À retenir
La montée des températures marines, liée au changement climatique, semble être le principal facteur de fuite des baleines bleues. Leur disparition est un indicateur tragique des bouleversements en cours dans les écosystèmes océaniques.
Ce sujet vous intrigue ? Le reportage complet est disponible ici : https://news.mongabay.com/2025/04/blue-whale-decline-in-sri-lanka-tied-to-climate-and-human-activity/