Pendant des siècles, les baleines ont été vues comme de simples géantes gloutonnes, mastodontes des mers engloutissant des tonnes de krill. Mais une étude de l’Université de Washington bouleverse notre vision. Leurs déjections – oui, leur caca – pourraient bien avoir joué un rôle vital dans la fertilité des océans passés, et ce, à une échelle planétaire.
Et si la disparition des baleines avait laissé un vide écologique plus profond qu’on ne l’imaginait ? Ce que les chercheurs ont découvert dans ces étranges prélèvements flottants est aussi surprenant que crucial pour le climat mondial.
Source : étude publiée en 2025 via ScienceDaily (https://www.sciencedaily.com/releases/2025/02/250206113316.htm)
Les baleines, bien plus que des prédateurs
Une présence océanique jadis massive
Autrefois, les baleines à fanons comme la baleine bleue ou la baleine à bosse étaient omniprésentes dans les océans. Leur disparition progressive due à la chasse intensive au XXe siècle a bouleversé bien plus que la chaîne alimentaire. En éliminant ces géants, on a aussi supprimé un moteur de la fertilisation marine.
Du krill en moins malgré moins de prédateurs
On aurait pu croire qu’avec la baisse des prédateurs, le krill aurait proliféré. Pourtant, c’est l’inverse qui s’est produit. Le krill aussi a décliné. Une énigme écologique qui trouve une explication inattendue : les baleines nourrissaient indirectement ces minuscules crustacés.
Le rôle oublié des excréments
L’étude de l’Université de Washington a analysé les excréments de baleines collectés dans l’océan Austral et au large de la Californie. Résultat : ces déjections contiennent du fer en quantités étonnantes – un élément vital dans les zones océaniques où il est naturellement rare.
Le caca des baleines, une source d’engrais marin
Du fer, mais aussi du cuivre… non toxique
En plus du fer, les scientifiques ont identifié des formes non toxiques de cuivre, un autre nutriment essentiel pour le plancton. Ce qui rend ces métaux utilisables par les organismes marins ? Des molécules organiques, appelées ligands, qui s’y attachent naturellement dans l’intestin des cétacés.
Un effet boule de neige écologique
Le processus est vertueux : les baleines mangent du krill, rejettent du fer dans leurs selles, ce fer stimule la croissance du phytoplancton, qui nourrit ensuite le krill… lequel alimente à son tour les baleines. Un cercle écologique étonnamment efficace.
Un écosystème sous perfusion
Dans l’océan Austral, le fer est tellement rare qu’il limite directement la croissance du plancton. Or, ce même plancton joue un rôle-clé dans la capture du CO₂. Moins de baleines signifie moins de fer disponible, donc moins de plancton, donc moins de régulation du climat. Une perte invisible, mais gigantesque.
🧠 À retenir
Les excréments de baleines sont une source naturelle de fer et de cuivre biodisponibles, qui fertilisent les océans et soutiennent toute la chaîne alimentaire marine, jusqu’à jouer un rôle indirect dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Des intestins aux courants marins : la surprise du microbiote
Un rôle insoupçonné des bactéries
C’est dans le microbiote intestinal des baleines que se cacherait la clé. Ces bactéries transformeraient le cuivre en une forme assimilable et non toxique, et aideraient à lier le fer à des ligands bénéfiques pour le plancton.
Des échantillons récoltés… en pleine mer
Les scientifiques ont prélevé cinq échantillons : deux issus de baleines à bosse dans l’océan Austral, trois de baleines bleues au large de la Californie. Leur point commun ? Des excréments flottants, facilement récupérables à l’aide d’un filet fixé à un bocal. Pas très glamour, mais extrêmement précieux.
Une piste pour restaurer les écosystèmes marins
Et si la protection des cétacés ne se limitait pas à la sauvegarde d’espèces charismatiques ? En rétablissant les populations de baleines, on pourrait revitaliser des écosystèmes entiers, du plancton aux poissons, en passant par les oiseaux marins et les mammifères. Leur présence serait un engin à engrais flottant, indispensable à la santé de nos mers.
Pourquoi cette découverte change notre vision du vivant
Les animaux, grands oubliés du cycle des nutriments
On a longtemps pensé que seuls les éléments inertes ou les micro-organismes jouaient un rôle dans le recyclage des nutriments marins. Mais cette étude révèle que les animaux eux-mêmes, par leurs excrétions, influencent profondément la chimie des océans.
Une action massive mais invisible
Imaginez : chaque baleine agit comme une pompe écologique, redistribuant les nutriments sur des milliers de kilomètres. Leur urine et leur caca voyagent avec les courants, diffusant des éléments essentiels là où la vie en a le plus besoin. C’est un engin climatique que nous avions ignoré.
Et maintenant ?
La prochaine étape ? Comprendre comment ces ligands organiques sont produits, et comment ils interagissent avec les nutriments océaniques à grande échelle. Mais une chose est sûre : restaurer les populations de baleines, c’est peut-être aussi restaurer la capacité des océans à absorber le CO₂.