Les plages du sud de l’Australie n’ont pas fini de révéler leurs mystères. En 2023, un grand requin blanc de 4,7 mètres s’échoue sur le rivage de Portland, vidé de ses entrailles, son foie manquant. À première vue, on pense à une collision ou à un acte de charognards.
Mais les prélèvements ADN racontent une autre histoire, bien plus troublante. Selon une étude de la Flinders University, relayée par ScienceDaily (1er février 2025), ce sont bien des orques qui auraient ciblé le requin… uniquement pour son foie, riche en nutriments. Une première confirmée en Australie, qui relance les débats sur la stratégie de chasse de ces prédateurs marins aux comportements décidément complexes – et parfois glaçants.
Une attaque chirurgicale révélée par l’ADN
Un requin échoué et vidé de ses organes
Lorsque des promeneurs découvrent la carcasse du grand requin blanc, l’image est saisissante : absence complète des organes digestifs et reproducteurs, et surtout du foie, organe vital pesant parfois plus de 100 kg chez un spécimen adulte. Quatre blessures nettes sont visibles, l’une d’elles évoquant une technique bien connue des chercheurs : celle utilisée par les orques pour extraire précisément le foie de leurs proies.
La preuve scientifique d’une prédation ciblée
Grâce à des prélèvements réalisés sur les plaies, les chercheurs ont identifié la présence d’ADN d’orque dans la principale zone d’attaque. Les trois autres blessures portaient des traces d’ADN de requins charognards (sevengill broadnose), venus se nourrir après coup. L’attaque elle-même semble donc avoir été menée avec précision par des orques, avant que d’autres espèces n’en profitent.
🧠 À retenir
Les orques australiennes ont été scientifiquement identifiées comme prédatrices de grands requins blancs, qu’elles ciblent pour leur foie riche en énergie. Cette découverte confirme un comportement observé ailleurs dans le monde, mais encore jamais prouvé dans les eaux australiennes.
Une stratégie connue, mais rarement documentée
Des comportements déjà observés en Afrique et en Californie
En Afrique du Sud, deux orques célèbres surnommées Port et Starboard sont devenues tristement célèbres pour leur habitude de s’attaquer à des requins, ne prélevant que leur foie. En Californie également, des scènes similaires ont été rapportées. Mais jusqu’ici, l’Australie n’avait jamais été le théâtre confirmé d’un tel événement.
Des conséquences sur l’écosystème marin
Ce type de prédation ciblée ne laisse pas le milieu marin indemne. En Afrique du Sud, la disparition progressive des requins blancs dans certaines zones à cause des orques a modifié les équilibres écosystémiques : des proies jusque-là régulées par les requins prolifèrent, entraînant des effets en cascade sur toute la chaîne alimentaire. Les chercheurs australiens s’inquiètent aujourd’hui d’un scénario similaire dans l’hémisphère sud.
Des témoins oculaires et une traque organisée
Deux jours avant l’échouage du requin, plusieurs témoins avaient observé des orques connues localement – notamment “Ripple” et “Bent Tip” – en pleine chasse dans la baie de Bridgewater. Cette observation coïncide avec la zone et la date de la découverte de la carcasse, confirmant qu’il ne s’agit probablement pas d’un hasard, mais d’un acte de prédation intentionnelle.
Pourquoi le foie fascine-t-il autant les orques ?
Un organe très nutritif et facile à extraire
Le foie de requin est une source très concentrée en lipides et en vitamines, notamment en squalène, un composé énergétique précieux dans les océans froids. Sa texture plus molle que le muscle permet à des prédateurs habiles comme l’orque de l’extraire rapidement, sans consommer l’intégralité de la carcasse. Un “super-aliment” marin, en quelque sorte.
Une habitude sélective qui favorise d’autres espèces
Autre élément fascinant : en ne consommant que le foie et certains organes, l’orque laisse derrière elle une partie importante du corps du requin. Ce festin inachevé profite à de nombreuses autres espèces : poissons, oiseaux, crabes, et même d’autres requins, transformant la victime en source de nutriments pour l’ensemble de l’écosystème.
Un comportement encore rare mais peut-être sous-estimé
“On ne sait pas encore à quelle fréquence ce type de prédation se produit dans les eaux australiennes”, indique le professeur Adam Miller, co-auteur de l’étude. Le fait que les interactions entre orques et requins blancs soient rarement observées directement rend l’analyse difficile. Mais grâce aux progrès des analyses ADN, ces attaques discrètes mais spectaculaires commencent enfin à être documentées.
✍️ Cet article a été rédigé par Marine L. (Journaliste marine & amoureuse des océans)

Marine documente la vie des orques depuis 12 ans entre Norvège et Canada. Fidèle à son prénom, elle connaît par cœur les saisons de hareng, les codes vocaux des différents pods, et les questions qu’on lui pose toujours